Essuyage de main sur un tablier déjà trop tâché, dé-nouage dudit tablier, un soupir de soulagement. Goodbye, l'uniforme trop court de serveuse ; hello, habits de tous les jours tout aussi courts. Je passe une main dans mes cheveux, je passe mes mains sous l'eau, longuement, avant de m'en passer le visage. Une autre main dans les cheveux pour chasser des mèches rebelles, et je me remaquille. Pas question d'avoir une tête de déterrée à cette heure là, il est encore trop tôt. Je sors enfin des toilettes, dis au revoir à tout le monde, même si peu de gens me répondent, et commence à me diriger vers la bouche de métro la plus proche, lorsque quelqu'un hurle mon nom, derrière moi. Je fais volte-face sur mes hauts-talons, en un mouvement de cheveux étudié, puis adresse un petit sourire neutre à la personne qui vient à mon encontre. « Salut ! », je fais, même si je lui ai déjà dit tout à l'heure, au moment de prendre sa commande. Il s'en fou, il me connaît. Enfin, je dois avouer que je suis assez surprise qu'il connaisse mon prénom, puisque je m'entends plutôt avec l'un de ses potes, avec qui je suis sortie pendant trois jours, et avec qui je continue de coucher occasionnellement. Ses yeux ne peuvent s'empêcher de lorgner mon décolleté, ce qui n'est pas sans me flatter, mais quand nos regards se croisent de nouveau, il n'y a qu'une infime lueur appréciatrice, dans son regard. Je n'ai jamais été très forte pour anticiper les réactions des gens, mais je me doute bien que ce mec ne m'a pas interpellée juste parce qu'il me trouve sympa. Ce genre de trucs, ça arrive que dans les films. Moi, si les mecs me parlent, c'est qu'ils veulent quelque chose, forcément. « J'ai un truc à te demander, je t'emmène faire un tour ? » Sans me départir de mon sourire, plongeant ma main dans mon sac et sentant une petite pointe de soulagement au contact de mon téléphone portable. C'est débile, je sais, parce que si jamais il décide d'aller me torturer dans un coin, je risque pas d'aller loin, j'aurais surement pas le temps d'appeler qui que ce soit, mais ça m'empêche de stresser pour rien. Comme il n'en dit pas plus, une boule d'excitation se noue dans mon ventre. C'est bête, mais j'ai toujours adoré les mystères, les surprises, et tout ça. Enfin, surtout quand c'est quelque chose qui fait plaisir... Il m’ouvre galamment la porte de sa voiture, et je souris de plus belle. Il se la joue, c'est clair, mais j'aime ça. C'est pas tous les jours qu'on rencontre un gars comme ça. Je chasse l'élan de pessimisme qui me souffle que si il ne voulait rien de moi, il ne m'aurait pas ouvert la porte. Je m'attends à ce qu'il mette le contact, mais il tend le bras derrière lui et ramène un sac de sport sur ses genoux. Il l'ouvre, et tire une liasse de billet devant mes yeux ébahis. Bordel. Je commence à flipper. Je m'efforce de rester calme, respirant doucement, tandis qu'il me sonde du regard. Je parviens a détacher mon attention de l'argent, pour la reporter sur lui. Je regarde tout de son visage. J'ai toujours ressenti un certain malaise à affronter le regard des gens, je ne suis pas vraiment une battante, moi, plutôt une suiveuse, tant qu'on vient pas trop me faire chier. Je m'efforce de recoller un sourire sur mes lèvres, et décide de rompre le silence, qui m'a toujours angoissée. « Ouah, c'est des vrais ? » Bon, c'est pas comme si il y en avait des millions, non plus ; surtout que c'est des liasses d'assez petites sommes, mais c'est pas tous les jours qu'on voit ça. Il hoche la tête, un espèce de sourire victorieux aux lèvres. Je tends la main pour frôler le petit tas, comme pour m'assurer qu'ils sont réels. « Bon, si je te donne tout ça, t'accepte de faire croire à mes parents que 'tes ma meuf ? Genre, juste un week-end. Et t'aurais tout ça. » Mes yeux doivent avoir doublé de volume, ma bouche aussi. Je me ressaisi rapidement, consciente que la pose "poisson hors de l'eau" n'est pas hyper sexy, puis passe une main dans mes cheveux, réfléchissant à tout ça. C'est pas trop compliqué, comme projet. Il met le contact et démarre, m'obligeant à lui fournir ma réponse maintenant. J'imagine qu'il doit avoir assez honte de dire à quelqu'un qu'il doit faire plaisir à ses parents par n'importe quel moyen, et cet argent doit probablement acheter aussi mon silence. Une idée s'impose à moi, doucement, et je fronce les sourcils, avant de me tourner vers lui. « Attends, attends, tu me prends pas pour une pute, là ? » C'est vrai, quoi ! Si je fais semblant d'être sa copine, c'est qu'à un moment où un autre, on va bien être obligés de se toucher, se rouler des pelles et coucher ensemble pour faire plus réel, alors être payé pour ça, c'est le métier des putes, pas le mien. Il me répond vite, peut-être un peu trop pour être honnête, mais on est que tous les deux, alors pourquoi il mentirait ? « Non ! Non, bien sûr que non, ça a rien à voir, sinon je serais pas venu te voir ! Mais bon, j'me disais que peut-être en ce moment t'as besoin de te changer les idées. » Je décompresse, et souris de nouveau. il est mignon, il s'est renseigné un minimum sur moi. C'est vrai que la façon dont mon ex m'a jeté m'a un peu fichu un coup, même si ça faisait qu'une semaine et demie qu'on était ensemble. Je l'ai retrouvé au lit avec une autre, le connard. Bon, c'est pas la première fois qu'une de mes histoires se termine comme ça, mais quand même ! Comme je ne réponds pas, il me jette un coup d'oeil, puis enchaîne. « Ouais, on m'a dit que ton père était libéré ce soir, t'as surement pas envie de te retrouver dans le coin, en plus... enfin, je suppose. » Pauvre con. Cette fois-ci, mon sourire ne réapparaîtra pas tant que je suis dans cette voiture. Il s'est un peu trop bien renseigné, l'abruti. J'ai envie de lui hurler d'aller se faire foutre, de jeter son putain de sac rempli d'argent par la fenêtre et de lui refaire le nez, tant pis pour ma manucure. Je le fais pas. Pour tout le monde, c'est comme ça. Ils sont tous persuadé que ce connard devrait pas être libéré, parce qu'il frappait sa femme. Enfin, pour eux qui sont au courant. Les autres s'en foutent, et c'est mieux comme ça. Alors, au lieu de péter mon câble et de dire ce que je pense, je baisse la tête, serre les dents et hausse les épaules. « Ouais, ça me fait un peu chier que tout le monde sache, mais ouais, sinon, j'accepte ton deal. Enfin, je suppose qu'il faut que je sache un minimum de trucs sur toi, avant, non ? » Toujours trouver un autre sujet sur lequel embrayer quand la discussion ne nous plaît pas. J'ai pas beaucoup de dons, ni d'aptitudes, mais ça, c'est inné, chez moi.