this is where the wild things are. Elle a revêtu son armure. Ses cheveux soigneusement camouflés, son visage nu, ses poings gantés. Un néon grésille au plafond, les immenses vitres dévorent la nuit de Brooklyn et projettent sur le sol parqueté les ombres des marionnettes new-yorkaises. Et elle retient son souffle. Elle est arrivée en avance, encore une fois. Encore une fois, d'ailleurs, elle a menti à son père, sa mère, son frère, ses sœurs. L'once de culpabilité qui la dévorait il y a encore quelques mois a depuis complètement disparu. Seul la peur de leurs réactions, lorsqu'ils découvriront la vérité, semble encore l'effrayer. Lorsque, et pas si. Elle ne se fait pas d'illusions, elle s'étonne d'ailleurs qu'ils ne le sachent pas déjà. Les rumeurs galopent dans les rues de Brooklyn, et même son voile ne la protège pas. Ouh, la putain. Le soir elle s'évade, elle rejoint un homme qui ne la touche qu'avec ses poings, et qui lui apprend la liberté. Elle a mal, tout le temps. Le soir quand elle rentre chez elle, frôlant les murs, les yeux scotchés au goudron noir sous ses pas. Le matin, quand elle cache ses bleus sous des couches de fond de teint. Mais elle continue, parce qu'il n'y qu'ici qu'elle a le droit de hurler. De hurler à s'en arracher la gorge, et sa cage thoracique qui explose, et son cœur qui se libère. Ici, on l'entend. C'est sa plus belle prière à Allah. Ailleurs, elle n'est que silence. Ailleurs, elle n'a pas d'importance. Parce que ce sont ses peurs qui la guident. La peur du rejet, et celle de l'intégration, le jugement d'Allah, et celui des hommes, la peur de la défaite, et celle de la réussite. Donc elle ne dit rien. Ne contredit pas, n'émet pas d'opinions. Acquiesce. Se détourne. L'homme qui vient de passer l'encadrement de la porte lui apprend à dompter ses peurs. Mais quand elles seront parties, que restera-t-il auquel s'accrocher ? « Les hommes craignent la mort par la même raison que les enfants ont peur dans les ténèbres. » (Fr. Bacon)