« Les hommes craignent la mort par la même raison que les enfants ont peur dans les ténèbres. » (Fr. Bacon)

La mort. La peur. Tu ne connais pas, ça. Tu ne connais plus. Autrefois t’en avais peur, de toutes ces choses puériles. Mais tu n’as plus peur. Depuis longtemps maintenant. Parce que tu sais qu’il sera toujours là pour te protéger de tout malheur. Qu’il sera là pour qu’il ne t’arrive jamais rien, pour faire disparaître toutes tes peurs. Ton père. L’amour de ta vie, entre autre. C'est lui qui t'a appris à tenir une arme à feu entre tes mains, qui t'a appris à tirer, qui t'a appris à ne plus avoir peur de rien. Il t'a appris à te défendre, à être fière de ton pays, à toujours te tenir droite, de n'avoir honte de rien, à assumer qui tu es. Aussi à dire ce que tu penses, toujours, malgré les conséquences. Il a tout fait pour que tu sois une personne forte, indépendante. C'est grâce à lui que tu es devenue cette femme peut-être trop honnête, peut-être trop casse-cou. Ton père n'a jamais été un tendre avec toi, et pourtant ta vie se résume à l'amour que tu lui porte, à peu de choses près. Il est tout pour toi. Tu n'as pas de mère. Du moins, tu n'en as plus. Elle est partie, du jour au lendemain, sans une seule explication. Tu avais huit ans. Ton père dit que c'est une « pedar sag ». Toi, tu te contentes de faire comme si elle n'avait jamais existé. Elle n'est qu'une inconnue. Alors tu vis ta vie comme s'il n'y avait toujours eu que toi, et lui. Depuis toujours, tu vis dans ce quartier qu'est Brooklyn. C'est loin d'être génial, mais tu y as grandi et tu ne te vois pas autre part. A part en Iran, peut-être. Tu aimes croire que les habitants du quartier te respectent. Mais ce n'est pas toi qu'ils respectent, non. C'est ton père. Ton père, ce barbu à la cinquantaine. Ton père, ce terroriste.