et si toutes les citations me font chier, je fais quoi? je choisis la mienne. et bam.
« these days everyone was insisting on their identity, coming out as a man, woman, gay, black, arab, jew - brandishing whichever features they could claim, as if without a tag they wouldn’t be human. » (hanif hureishi, the black album)

« Il était comme le coq qui croyait que le soleil s'était levé pour l'entendre chanter. » (George Eliot)

c'est le premier jeudi soir du mois, et comme tous les premiers jeudis soirs de chaque mois, kahlar tire de sous son lit le gros sac militaire dans lequel il range ses armes. une par une, il les pose doucement sur le plaid qu'il a étalé sur le sofa, avec l'écouvillon en nylon, le bain de pétrole lampant et le déplombant. son beretta 92FS, son colt delta elite gold cup, son taurus raging bull, pistolets et revolvers, ils sont tous là, il n'en manque aucun. des armes de poing brillantes, parfaitement entretenues. une vraie fierté. t'es complètement fou d'avoir tout ça. kahl ne répond pas pendant quelques instants, le temps de finir le nettoyage et l'assemblage de son glock 17, puis il pose un regard amusé sur yossi, affalé sur un fauteuil, un joint entre les doigts. je vois pas le problème. kahl se saisit du semi-automatique et le pointe sur yossi en imitant le bang d'une détonation. son pote lui fait un doigt d'honneur. mec, t'as dix guns chez toi. tu travailles dans un gunshop. et t'es musulman. on est aux usa, tu vois pas le problème? kahl se met à rire et attrape l'arme suivante qu'il se met à démonter attentivement. hier, j'ai mangé du porc. et la semaine dernière on s'est mis une race. techniquement, je pense pas trop que ça corresponde aux règles de l'islam et de la charia. yossi soupire, résigné à voir kahl se jouer encore et toujours de ses origines. ils s'en foutent de savoir si t'es un bon musulman ou pas. pour eux, t'es rien d'autre qu'un sale arabe. d'afghanistan, qui plus est. avec tous tes allers-retours à bêgram, ils vont finir par te prendre pour un intégriste. kahl rechausse le canon et referme la culasse avant de repositionner le chargeur. ses gestes sont précis, étudiés, mécaniques. l'arme est prête. il se lève vers la fenêtre ouverte, jetant au passage un regard vide sur yossi, qui continue son monologue: tout le monde sait dans le quartier que tu gardes plein d'armes chez toi. c'est pas normal. le jour où y en a un qui l'ouvre et balance ton petit traffic aux flics, man, al kobra c'est fini, t'es mort. kahl se penche par la fenêtre à guillotine, ses bras pendant négligemment dans le vide et le froid. dans le soleil déclinant, il est comme le prophète du monde. il tient toujours le pistolet dans sa main. l'appartement donnant sur la rue, n'importe qui levant les yeux pourrait l'apercevoir: un jeune homme basané, avec un bonnet que l'on pourrait prendre de loin pour une chachia, tenant un colt .45 à bout de bras. il sourit, amusé. c'est cette image qu'il aime donner de lui. jouer sur les préjugés, effrayer, provoquer, c'est son truc à lui. yossi, tu comprends pas. il s'arrache à la fenêtre et vient s'asseoir près de son pote. tu sais quoi? un jour, je serai même capable d'aller lire le coran en djellaba dans le métro, près d'une bourgeoise de tribeca. la grimace qu'elle ferait, tu vois, c'est ça, le but. car si l'occident a peur de l'arabe, l'arabe, lui, se moque de l'occident.