« Je vivrai sans que mon cœur batte, sans avoir de cœur. » (Réjean Ducharme)

Ne surtout pas à montrer à quel point elle se sent vide, et seule. Tout plaquer, partir vite, loin. S'échapper, s'enfuir, appelez ça comme vous voulez. Voyager. Rencontrer. Boire. Baiser. Et recommencer. Jusqu'à tout oublier. Se perdre. Se réinventer. Et chaque nuit une renaissance. Une résurrection.

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NOAH ▬ Ça y est, j'ai terminé...

La jolie brune posa ses yeux d'azur sur lui. Il se tenait penché au dessus de la table basse de son salon. Lorsqu'il se redressa, elle put distinguer une toute petite pilule transparente. Se levant sans un mot, elle s'approcha pour la regarder plus en détails. A l'intérieur du cachet, il y avait une multitude de paillettes multicolores, plus vives les unes que les autres. C'était de toute beauté.

NOAH ▬ Bon, un peu de musique que diable !

Il était déjà debout, son corps d'athlète se découpant dans la lumière du jour couchant qui filtrait à travers l'immense baie-vitrée de son appartement. Trafiquant certaines touches sur une stéréo dernier cri qui avait probablement dû coûter une fortune, il lança un morceau d'house-électro qui fit trembler les murs tant le son était puissant. Léonie reporta son regard sur la pilule. D'un geste rapide, elle la pris et s'en alla rejoindre son verre où un fond de tequila s'agita lorsqu'elle le saisit. En un souffle, elle avait finit son verre et avalé le cachet magique. Il ne lui fallut que quelques minutes pour en ressentir les premiers effets tant il avait concentré la dose. Fermant les yeux, la jeune femme s'appliqua à respirer lentement, écoutant son cœur battre au même rythme que le beat. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Puis, sentant la présence de son ami près d'elle, elle rouvrit les yeux. Ses pupilles mangeaient à présent tout le bleu de ces prunelles. En face d'elle, un sourire énigmatique flottant sur ses traits anguleux, Noah la fixait. Léonie baissa le regard, se sentant rougir. Lorsqu'elle s'osa enfin à planter à nouveau ses yeux dans les siens, une étincelle nouvelle et sauvage y pétillait, tandis qu'elle entortillait d'un air malicieux une de ses longues mèches brunes autour de son index.

NOAH ▬ Léo ?
LÉO ▬ Mhh-hmm ?
NOAH ▬ T'es à moi maintenant.

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C'était intense, dangereux, excitant. Physique, chimique et électrique. Elle pouvait sentir le feu courir dans ses veines, faisant frissonner sa peau, comme si elle avait la fièvre. Elle était vivante. Pourtant, tout aurait dû lui dicter de l'éviter. C'est une mauvaise fréquentation, tous l'avaient avertie. Mais c'était plus fort qu'elle. Il avait ce jenesaisquoi. Parce qu'il n'en avait plus rien à faire. Lui, jamais ne l'aurait sauver. Lui, la pousserait à appuyer sur la détente si jamais elle se collait un flingue sur la tempe. Lui, la confrontait à ses peurs, ses désirs, ses aspects les plus sauvages, les plus obscurs. Lui révélait en elle tout ce qu'elle cherchait à refouler. Il poussait ses limites toujours plus loin, jusqu'au point de non-retour. Aux frontières de la folie. Elle le détestait parce qu'elle ne pouvait pas se passer de lui, et qu'un jour ça finirait par les détruire. Il était tout ce qu'elle n'aurait jamais du faire. Il plongeait, et l'emportait avec elle dans le gouffre, l'abîme, sans possibilité de se sauver. Elle allait se perdre avec lui, et c'était la sensation la plus délicieuse, la plus exquise qu'elle eut jamais connu. L'univers semblait pulser, palpiter et vibrer en sa présence. Avec lui, pas besoin de faire semblant, pas besoin de se cacher derrière un masque, un sourire étincelant, un éclat de rire. Mais c'était tout ou rien, le risque absolu. Nécessaire. Vital. Brutal. Animal. Explosif.

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NOAH ▬ Ce jean te fait un ravissant petit cul.

Le grand brun était encore allongé sur le lit, nu. Léonie se retourna d'un mouvement vif et le fusilla du regard, tandis qu'elle finissait de s'habiller.

LÉO ▬ La ferme, Noah. Boucle-la, tu veux ?

Il afficha un sourire carnassier. Exaspérée, la jeune femme se dépêcha d'enfiler son débardeur blanc.

NOAH ▬ Tu es sûre que tu ne veux pas rester, juste un petit peu ?

Il se tenait à présent juste derrière elle, et bien qu'il est enfilé un caleçon noir, Léonie pouvait encore sentir la cause de ses regrets. Lentement, sans pour autant se décoller de lui, elle se retourna pour lui faire face. Pendant quelques secondes, ils s'affrontèrent du regard, se fixant intensément. Enfin, Léonie sourit, et approcha ses lèvres de celles du jeune homme. Évitant soigneusement de les toucher, simplement en les frôlant, elle murmura d'une voix sensuelle.

LÉO ▬ Va te faire foutre.

Puis elle le repoussa brusquement, et continua de récupérer ses affaires: porte-monnaie, cigarettes, briquet, clés, et portable. Celui-ci affichait plusieurs appels en absence, provenant tous du même destinataire.

LÉO ▬ Merde...

Elle l'avait dit dans un souffle, mais cela suffit pour intriguer le beau brun.

NOAH ▬ Laisse-moi deviner... Oh et puis non, je n'ai pas envie de savoir.

La demoiselle lui jeta un coup d'œil, le sourcil haussé. Elle fourra le tout dans son petit sac à main, attacha en vitesse ses longs cheveux dans un chignon ébouriffé, et se dirigea d'un pas décidé vers la porte. Mais ça, c'était sans compter sur Noah. En quelques mouvements amples, il était de nouveau face à elle, lui bloquant l'accès. La jeune femme s'apprêtait à lui faire part de ces pensées plus qu'épicées lorsqu'il l'empêcha même de parler en lui collant sa main contre la bouche. Il avait dans les yeux cette lueur... D'un geste, il souleva la petite brunette et la plaqua contre la porte. Le choc fut assez violent pour lui couper le souffle. Et en moins d'un quart de seconde, elle se retrouvait là, prisonnière de ses bras, entrain de l'embrasser fougueusement.

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Le problème, avec les contes de fées, c'est qu'ils n'existent pas. Ils n'étaient pas du même monde. Il était le roi, et elle la gamine des rues. Il avait tout, elle n'avait rien. Mais l'attraction qui les poussait vers l'un l'autre était plus forte que tout. C'était plus fort que la gravité elle-même, comme si depuis toutes ces années, ils avaient cessé de respirer et ne survivaient qu'en apnée. Qu’il pleuve, vente, neige, ou grêle des grenouilles, ce petit con se faisait toujours remarquer pour sa bonne humeur nonchalante et son audace effrontée. Elle était farouche, énigmatique, impulsive, sulfureuse. Au début, ils n'avaient de cesse de se chamailler comme des enfants. Tout les opposait tellement ! Et puis ils se sont aimés si fort que c'en était presque douloureux. Mais c'était impossible, voué à l'échec avant même que ça ait commencé. A moins que... A moins qu'on ne le cache. A moins que personne ne sache, que ça reste un secret entre nous, comme un jeu interdit. « Pars avec moi... » Mais elle ne pouvait pas le suivre. Elle ne pouvait pas tout quitter ainsi, aveuglément. Ce n'était pas suffisant. Toutes les promesses qu'ils s'étaient faits... Vous savez, Léonie, c'est pas le genre de filles qu'on présente à ses parents. Aux premiers abords, elle est polie, serviable, bien élevée. Elle est souriante, espiègle, désinvolte, rusée, juste ce qu'il faut pour vous faire craquer. Mais ce n'est pas une fille de bonne famille, elle reste ce qu'elle est. Une garagiste vivant à Brooklyn, qui se shoote à l'héroïne quand rien ne va plus. Ses traits fins, ces grands yeux turquoises, son sourire d'ange… Rien ne peut racheter ses erreurs passées. Léonie n'a pas été épargnée, c'est une abimée de la vie, une naufragée. On lui a tout pris, tout arraché. Les contes de fées n'existent pas.