« Jeunesse et adolescence ne sont qu'abus et ignorance. » (François Villon)

CRADE.Cette touffeur vaporeuse, l’ignoble cri qui se matérialise au fond de ta gorge alors que ton corps se collapse au contact de cette masse difforme. Tu ne l’as pas vu venir, créature mythologique au faciès enchanteur, perdue entre tes bras, méphistophélique tu te laisses prendre au jeu du désir quasi catatonique, le souffle chaleureux qui t’éradique, dissipée la crainte, tu perds le contrôle de ton psyché, automate à l’interrupteur coincé, paumé, tu te laisses choir doucement sur les couvertures du désespoir, oubliant avec fureur tout ce que l’on t’a inculqué. Le respect des préceptes désuets, la foi devenue obsolète, reléguée au second plan, la volonté de combattre avidement. Qu’est-ce que tu fous, Saifou. Tu te matérialises, reprenant un instant les devants de tes fonctions, le hurlement résonne, tu te fais peur, la pitié imprégnant, ta compagne la douleur se faufile jusqu’à toi. Qu’est-ce que t’as foutu, Saifou. Merde, grillé, calciné, elle t’a consommé jusqu’au filtre, Saifou. C’est bon, plus rien à en tirer. Tu finiras sous ses pieds, pour y avoir goûté, en toute impunité. Saifou, c’est fou, ça ne te ressemble pas. Alors il y a ces larmes qui te montent aux yeux, la sensation impitoyable d'être cette monstruosité pleine de vilénie qui a donné son corps pour une connerie. T'étais cet homme naissant qui voulait toucher ce qui était prohibé, t'as couché et, tu ne t'aies pas senti mieux, loin de là. DÉGUEULASSÉ. A la mosquée, tous les vendredis, lorsque ton front touche le sol, lorsque l’exaltation s'empare de ton coeur, tu te sens plus proche de lui, lui, ton créateur Allah Azawajal. C'est en ta foi en lui que tu puises la force d'abattre toutes tes peurs et, lorsqu'une silhouette féminine te témoignant un peu d'intérêt vient t'accoster, tu joues les lâches , battant en retraite.« Saifou, serre-la » Un rire qui s’échappe, tes lèvres qui s’étirent d’un sourire moqueur, t’aimerais lui apprendre l’mot : RESPECT. « Putain, mate son boule, kho, c’une Kardashian » tes paupières se referment, peut-être bien que tu es frustré, peut-être bien que tu devrais changer ces putains de fréquentations minables que tu prends plaisir à côtoyer, tu es né dans la haute, pourtant tu traines avec le bas, à Brooklyn, tu t’sens chez toi, c’est là que tu tiens les mûrs, cette fascination pour la pauvreté te laisse souvent coi, t’en sais rien, c’comme ça. Peut-être que, tes vrais parents étaient d’ici : « Focalise-toi pauv’ con, t’viens de rater un motif » tu t’éloignes de quelques pas, admirant avec fierté le tag énorme qui orne ce mûr tantôt d’un blanc immaculé, ton acolyte qui s’agite larguant les bombonnes à terre, attrapant ta manche d’un geste hatif et qui gueule : « P’tain, v’là les cafard » et cette maudite adrénaline. Tu aimes ça comme t’as aimé la chair de cette catin avide qui t’avait un soir dépucelé. Saiffudin Al-Thani, t'es pas un vrai arabe, arrête de jouer la comédie.

Dans le métro devant toi, cette voilée qui te fait face, couverte de la tête aux pieds, elle inspire la crainte. Pourquoi ? Parce qu’elle ne fait pas parti de la norme, elle, elle explose la norme, elle est effrayante, la scélérate qui boycotte les mini-jupes ras la moule et autres combinaisons en vogue qui pullulent dans les rues de New York. Elle attire le regard, elle qui pourtant ne demande qu’une seule chose, le respect qu’incombe à toute femme. La femme musulmane n’a pas besoin d’avoir l’air d’une pute pour être belle, gentiment, tu lui proposes ta place, place qu’elle accepte. Mais l’homme qui était assis à tes côtés se relève, visiblement, il a un problème : « Ils sont partout » crache-t-il, te lançant un regard qui recherche ton approbation, ton poing qui s’abat sur son pif comme l’expression de tes salutations les plus distinguées. Saiffudin Al-Thani, mesdames, messieurs. A prendre ou à baiser.