Alors que tu es plongée dans son entre-jambe, le mec a un sursaut de bonne conscience. « Alors paraît que t'es fiancée ? J'espère que ça te gêne pas » qu'il te balance alors que tu l'astiques.

L'art de casser l'ambiance. Non pas que cette dernière soit vraiment magique ou même appréciable, mais ça te fait plutôt chier qu'il s'ouvre le clapet alors que tu t'efforces de gagner ta vie entre ses jambes. T'as pas envie de lui répondre, tu voudrais simplement qu'il se la ferme et qu'il apprécie, mais ça, c'est beaucoup trop demandé pour la grande gueule que tu es. Tu relèves donc la tête, les yeux aussi glacial que le plancher sur lequel tu t'es retrouvé à quatre pattes quelques minutes plus tard et dans un souffle presque inaudible, tu prononces un faible « Ta gueule du con. » Tu sais pas comment c'est venu aux oreilles des gens, t'as jamais vraiment parlé de ta vie privée à qui que ce soit mais une chose est certaine, ça te scie en deux. T'as été fiancée, officiellement tu l'es même encore, mais c'est que du passé, une putain d'histoire qui ne t'appartient désormais plus. T'étais cette pauvre gamine d'à peine dix-sept ans, tu crevais de faim dans ton bled tout pourri de Chine et lui, cet espèce de moine raté il s'est pointé avec du pognon et t'as accepté de l'épouser, jetant aux vidanges toute ta fierté. T'es resté avec lui durant des mois, t'es devenu sa poupée pour ne pas dire sa pute. Tu le faisais grimper aux rideaux et en échange, t'avais un toit sur la tête et du blé comme t'en avais jamais eu. (et comme t'en auras probablement plus jamais) Puis, la raison a prit le dessus et t'as fichu le camps sans même l'avertir pour venir te planquer aux États-Unis, certaine qu'ici t'allais vivre cet imbécile de rêve Américain. Au final, t'aurais du rester là-bas, t'aurais du rester la fiancé de ce gros pleins de gras. Au moins, tu crevais pas de froid l'hiver et t'arrivais à bouffer tous les jours. T'as été naïve, t'as cru qu'en passant clandestinement ici, ta vie aurait le mérite d'être vécu et au final, tu t'es retrouvé à vendre ton corps pour quelques liasses. Le type continue de te regarder, ce même air ébahi accroché dans le visage. C'te con. « On s'en fiche putain, ça change quoi ton existence de minable ? » Et tu reprends là où tu t'étais arrêté, lui arrachant au passage quelques grognements que tu reconnais parfaitement. (peut-être trop même) Ce que tu peux faire pitié. T'es là, à genoux à lui astiquer le manche parce que t'as pas le minimum de dignité pour te trouver un boulot normal, un qui ne nécessite pas que tu te déshabilles à chaque fois. T'as quitté ta Chine natale parce que t'en avais mare de baiser pour du blé et te voilà à faire la même chose mais cette fois, à un paquet de mecs différents et sans la baraque de rêve. Non, maintenant tu te contentes d'un minable appartement sans chauffage et avec quelques rats qui prennent plaisir à traverser le couloir en pleine nuit. Le bonheur. Au bout de quelques minutes, tu finis par le faire cracher et sans même lui adresser le moindre regard, tu lui arraches les billets d'entre les mains avant de quitter la pièce. T'as besoin d'un joint, plus que tout même.