Selon les statistiques, il est dit que, dans un foyer aux hauts revenus et à l’appartenance religieuse prononcée, un enfant sur neuf est destiné à un cursus universitaire inexistant et à une vie plus que modeste. Qu’a donc pu faire à son si tendre Dieu la famille Kemp pour déroger à la règle et offrir à la nation américaine une erreur de la nature marginale telle que Vajnirio ? Un enfant sur cinq, le score est beau. Mais que peuvent alors dire les sondages face à deux bohèmes dans une seule et même fratrie ? Bluma, bien qu’ayant un relationnel proche de zéro avec son cher ainé, décide de le suivre. Elle grandit sans trop d’encombres, est forcée à la prière chaque soir, renvoyée de plusieurs établissements. Ses parents, en dépit de leur foi inébranlable, se perdent quelque fois au péché en rachetant les erreurs de leur cadette par moultes chèques dissimulés. Elle voit la majorité comme une délivrance, pense que la liberté et le bonheur sont à portée de main. Bluma quitte le cocon sans le moindre diplôme, sans la moindre qualification, avec pour seul avantage quelques milliers d’euros sur un compte épargne. S’en suivent plusieurs semaines d’errance d’hôtels en hôtels, de coucheries sordides et de défonces puant l’émancipation ; mais la tournure que prennent les choses, elle n’en a rien à foutre, parce qu’à ses yeux, rien n’est plus beau que cette vie en toute impunité. Elle se fout à poil dans une boite de strip miteuse, a le droit de pousser la chansonnette sur scène une fois tous les trente-six du mois, se voit pourtant déjà en haut de l’affiche. Persuadée qu’elle intégrera un jour la troupe du Crazy, elle ne voit pas la merde qu’il l’entoure. Pourtant, elle est bien là, omniprésente.