Passe environ cinq secondes où le monde entier retient son souffle,puis les trois acteurs principaux sursautent d'un même geste. La plus jeune, Sines de son prénom, amorce un demi-tour direct avant de claquer la porte de la chambre. Le papa fait la grimace, une sorte de plissement comique aux coins de ses lèvres. Il se balance la tête dans les cousins, incapable de fermer les yeux, la connerie ne s'effacera pas comme ça. La blonde, au prénom oublié, se lance dans une tentative de re-séduction. Peine perdue. Sans brusquerie Dery lui demande de quitter les lieux, enfilant même un caleçon pour la reconduire jusqu'à la porte de l'appartement. Quel gentleman. Puis c'est la confrontation, il se sentirait presque devenir l'enfant à la place de la sienne. Des excuses prêtent à sortir se font couper l'herbe sous le verbe. Sa fille s'assoit sur un accoudoir du vieux canapé, le regard oscillant entre la colère et les reproches. Blasé aussi, certainement un peu.

- Laisse moi deviner : c'est Lula, teinte en blonde.
- Heum...
- C'est bien ce que je pensais. Elle est où Lula ?
- Avec un putain de mec qui montre des tableaux dans un appartement tout vide.
- Un galeriste.
- Ouai. Et donc, je... Ouai, voilà. Je suis un papa vraiment nul.
- Pas tout le temps heureusement.

la petite fille, bien que trop ancré dans l'adolescence pour les nerfs de Dery, se glisse dans les grands bras musclé de son père. Qui s'empresse de la serrer aussi fort que le squelette Sinessien puisse le supporter. “ tu me dois 5$ big dady. ” Il sourit. Il le savais déjà. Le tarif pour les insultes n'a pas changé depuis que cet ange roux est entré en primaire. Vous saviez vous, que les gamins étaient aussi vulgaire, et aussi vite ? Sachant que l'ours nourrit au Haggis ici présent a le vocabulaire aussi châtié que son arrière grand-père, tanneur, les billets de cinq dollars fleurissent un peu partout dans cet appartement. Dieu, présent également ici bas, bien que Dery blasphème comme une none sans culotte, rétablit l'équilibre grâce aux écarts tout aussi fréquents de l'adolescente. Hey, en cas contraire il serait vite ruiné !

- Big dady, t'es heureux ?
- Avec toi, oui.

Les non-dits sont présent, bien sûr. Parce que Lula apprendra cette énième boulette, que l'explication qui s'en suivra sera beaucoup moins douce et tranquille que celle qu'il vient d'avoir avec sa fille. Parce que cette enfant grandit, soupire en réclamant sa mère. Cette mère qui à deux ans l'a balancé dans les bras de Dery, coupant tout lien sur un : je peux plus m'en occuper, à ton tour. Il ne lui dira jamais. Et parfois, cette sincérité manquante il l'imprime sur la peau de Lula. Comme si les je t'aime pour la brune suffisait à appuyer sur Delet. Mais Dery, aussi fort que tu les aimes, tu a un passé... Et le passé ne l'est jamais, lorsqu'il grandit sous tes yeux.