Brooklyn, la nuit. Il n'y avait rien de plus vivant mais, pourtant, dès l'apparition des premiers rayons de soleil, il s'y opérait un curieux manège. Les camés allaient se cacher derrière un arbre dans le parc les plus proches, les prostituées montaient dans le premier taxi pour revoir leur appartement pourris et les SDF retournaient dans leurs allées sombres, espérant qu'un passant remarquant leur présence soit assez compatissant pour leur jeter de quoi s'acheter à boire. Toute la vermine se rangeait dans les trous aux murs alors que les hommes en costume prenaient leur voiture pour aller travailler. Brooklyn, de jour, était tellement différent. Mais dans les deux cas, le norvégien se sentait chez lui. En cette fin de nuit, avant que le soleil n’apparaisse, il marchait tranquillement vers les docks de Red Hook, ses mains refermées sur l'argent qu'il camouflait dans ses poches. Quatre mille dollars. C'est ce qu'il avait ramassé grâce aux putes qu'il avait surveillé, mais une fois qu'il aurait filé tous son argent à son employeur, il ne lui restera que cinq cents dollars. Il soupira un grand coup, ses longs cheveux blonds se balançant vivement au rythme de ses pas pressés. Il n'aimait pas rentrer avant la fin de la nuit, obligé de croiser tous ces gens avec une vie normale le recroisant avec les mêmes habits que la vieille, le jugeant comme s'il faisait une marche de la honte. Beaucoup de petits malfrats adoraient ça, mais pas lui. Discrétion, c'était le mot qui lui convenait le mieux. « Pour vingt dollars, va vérifier si c'est un mec ou une nana. Pour cinquante, attends de voir la vraie preuve. » Svern ne se retourne pas, mais si les deux voix, comme sortis de nulle part, le surprennent. Il n'avait entendu personne derrière lui. Il n'ose pas se retourner, mais ne peux accélérer le pas. Encore moins courir. L'adrénaline commence à monter en lui et chaque battement de son cœur se fait ressentir avec une douleur écrasante. Ses muscles se tendent, incapables. Puis une main se pose sur son épaule, le retourne. Deux jeunes hommes font face à lui, le plus proche de lui le dévisage « T'as un joli visage d'ange toi. Moi et mon pote on aimerait savoir quelque chose. » dit-il, avant d'enfouir une main dans son manteau ouvert, essayant de palper une quelconque poitrine inexistante. « Tu veux voir ma bite, c'est ça ? » lâcha Svern de sa voix grave, ce qui sembla surprendre le jeune impoli en train de le peloter. Le deuxième gamin s'approcha et le poussa, lui crachant à la figure. « Tapette ! C'est moi qui vais te la foutre, ma bite ! » dit-il avant de balancer un coup de pied au milieu du ventre du norvégien à terre, aider de son ami. La douleur n'est pas quelque chose d'agréable, encore moins quand elle est amplifiée par un cœur faiblard qui n'arrive pas à faire circuler du sang correctement en cas de panique. Svern ne sent déjà plus sa main droite alors que sa tête semble exploser à cause d'un trop plein de sang. Et puis, d'un coup, deux mains fortes prennent son manteau et le relève, exténué, il souffle comme un taureau dans l'arène, incapable de sortir un seul mot. Mais il n'essaye pas de frapper celui qui le relève. Il a tout juste le temps de comprendre la situation, balayant du regard les deux gamins l'ayant agressés, par terre, la gueule en sang, sanglotant comme des enfants. Ce qu'ils étaient sûrement. « Tu portes pas ton surnom pour rien toi, hein ! » lance une grosse voix avec un accent italien prononcé. « Donnes moi l'argent de Big Lou et je t'emmène à l'hôpital ! Et s'il en manque, j'te laisse crever avec eux. » dit-il. Avec maladresse, Svern finit par sortir les billets de sa poche, sans réussir à articuler, comme s'il se noyait dans l'oxygène même. « perfetto! » dit-il, avant de jeter Svern dans la voiture la plus proche et vers rugir le moteur. « On se reverra la semaine prochaine ! » dit-il, avant de jeter le blond devant les portes de l'hopital de Brooklyn. C'était aussi l'avantage à rentrer avant la fin de la nuit, il y avait toujours un subalterne qui veillait sur vous, prêt à vous casser la gueule si jamais vous essayer d'arnaquer le patron, prêt à vous défendre si vous en valez la peine. La main crispée sur son cœur, Svern passa les portes blanches alors que le ciel commençait à rougir derrière lui, les premiers rayons de soleil venant illuminer ses cheveux blonds.